Virginie Martin : “Ces chroniques permettent de faire émerger des sujets souvent invisibles mais cruciaux”

19/06/2025
Virginie Martin, professeure à KEDGE Business School et responsable du Media Lab, intervient régulièrement sur Xerfi Canal. Dans des formats courts mais denses, elle propose un éclairage analytique, structuré et transdisciplinaire sur des enjeux contemporains. Elle nous raconte les coulisses et les intentions de cette collaboration au long cours.

Comment est née votre collaboration avec Xerfi Canal ?

Elle a commencé par des interventions ponctuelles, en lien avec mes recherches et la sortie de mes ouvrages sur les séries : Le charme discret des séries (2021), puis J’assure en géopolitique grâce aux séries (2023).
Ces premières interviews ont plu. Laurent Faibis m’a alors proposé d’intervenir plus régulièrement, sous forme de chroniques. Un format bien ancré dans l’ADN de Xerfi Canal.

Comment se déroulent ces tournages ?

Nous regroupons les enregistrements sur 3 ou 4 sessions par an. On enregistre plusieurs chroniques d’affilée, qui sont ensuite diffusées progressivement, en fonction de leur résonance avec l’actualité.

Comment choisissez-vous les thèmes à traiter ?

Ils doivent faire écho à des enjeux contemporains, mais sans être dictés par une actualité brûlante. Je préfère m’inscrire dans ce que j’appelle une “actualité tiède” : suffisamment connectée à notre époque pour être parlante, mais pas périssable.
Cela permet aux vidéos de durer et de rester pertinentes.
Ce sont souvent des sujets peu traités ailleurs…
Exactement. Ces chroniques permettent de mettre en lumière des problématiques souvent invisibles, marginales dans les flux d’actualité mais décisives. Par exemple, j’ai récemment parlé de cette fatigue mentale générée par l’injonction à être sans cesse à jour sur tous les sujets ; l’update permanent… 
Les salariés sont sommés de faire leur travail tout en absorbant un flux d'informations constant et en se mettant à jour dans une boucle infernale.
Cela ouvre une réflexion plus large sur le sens du travail et les nouvelles attentes. Nous sommes dans des mises en perspective qui doivent être très incisives. 

Un autre sujet vous a marqué ?

Oui : la pression croissante exercée sur les salariés pour qu’ils prennent la parole sur les réseaux sociaux, au nom de l’entreprise. On valorise désormais l’engagement sur LinkedIn ou X, mais cela suppose un investissement personnel considérable.
Ces thématiques ne trouvent pas toujours leur place dans le flot d’une actualité chaude. Pourtant, elles sont centrales dans le quotidien professionnel et peuvent être des objets de recherche. Ici on leur donne une valorisation particulière avec ce format de vidéo courtes 

Vos chroniques abordent aussi des sujets politiques.

Tout à fait. J’ai évoqué dans une chronique un procédé de communication politique peu connu du grand public : le dog whistle, ces messages codés que seuls les initiés peuvent décoder.
Je participe aussi à un groupe de réflexion, Spirales, où j’ai proposé l’idée de créer de très grands pôles ministériels, pour sortir du travail politique en silo. Cette idée est en train d’être reprise par des personnes travaillant sur la réformation des politiques publiques.

C’est la preuve que ces chroniques, à leur échelle, peuvent faire germer des idées, inspirer des dirigeants, des profs, des étudiants… ou des décideurs politiques.

Comment vous préparez-vous à chaque chronique ?

Je m’appuie sur un parcours très hybride. Mon parcours est très transdisciplinaire : théâtre et littérature, sciences politiques, gestion, sociologie. ; ce parcours m’offre un socle très large, dans lequel je puise des références, des exemples, des angles d’attaque.
Je suis aussi très présente dans les médias depuis près de 30 ans. Cela m’aide à sentir les tendances, à sentir ce qui va faire sens, ce qui est en train d’émerger.

Vous êtes aussi une utilisatrice active des réseaux sociaux.

Oui, et je les étudie en tant que chercheuse, notamment dans le dernier ouvrage que j’ai dirigé avec pierre antoine Chardel,
Je vois les effets du cyberharcèlement, de l’autocensure, des glissements vers la radicalité 

Ce sont des sujets que je connais de l’intérieur. Cela renforce mon expérience pour mieux en parler.

Qu’est-ce qui vous demande le plus de travail ?

L’écriture. Il faut être rigoureux, dense, intelligible. Dire beaucoup, en peu de mots. Déployer un raisonnement sans perdre la clarté, insérer des références sans perdre l’auditeur.
Je relis, je répète à voix haute, je travaille les intonations. Et surtout, je m’adapte aux contraintes de format : le temps de parole est très calibré.

Un exercice exigeant ?

Très. Mais aussi stimulant. Il faut aimer écrire. Et hein sur  être à l’aise face caméra. Au total ces chroniques sont un formidable espace de liberté intellectuelle.

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